Préparer un sauna à bois est une tranche d’art de vivre, une
cérémonie bien réglée qu’il faut répéter à loisir pour en saisir toute la
substance. Lorsqu’un ingénieur à conçu un sauna dont il suffit d’appuyer le
bouton pour qu’il se prépare, il a tué une part essentielle de l’âme finnoise.
Il s’agit d’abord de couper au plus fin des buchettes qui s’embraseront
rapidement. Et là déjà, il faudrait connaître le sauna en question, histoire de
savoir comment il tire, combien il chauffe. Certains, il faut les gaver de
petites buchettes pendant une heure pour avoir la moindre vapeur, la moindre
löyly. D’autres produisent une chaleur étouffante après avoir brûlé quelques
grosses buches en à peine une demi-heure.
Donc faut penser à tous ça devant le billot, mais la règle
générale est que plus petites sont les buchettes, meilleur il sera. Cette pensé
en tête, j’abats la hache de petits coups précis en anticipant le plaisir à
venir : jeter de l’eau sur les pierres du fourneau, entendre la vapeur
siffler et peut-être en apercevoir les volutes montées avant de recevoir ce vent
brulant qui semble vouloir tout purifier, chaque recoins, chaque pore de la
peau. Mais toujours est-il qu’en cette instant, il s’agit de trancher, de
ramasser les buchettes aussi vite que possible pour éviter qu’elles prennent l’humidité
et en faire un tas suffisant.
Aller chercher de l’eau, seau après seau, d’un lac, d’un
ruisseau ou d’un tonneau qui récolte l’eau de pluie. En prendre assez. La
nature offre avec parcimonie sous ces latitudes, mais dans le sauna, on oublie
ça, on veut trop de chaleur, de l’eau chaude à volonté et ne pas s’en
préoccuper du moment qu’on y entre.
Puis faire les feux, un pour les pierres et un pour l’eau.
Il s’agit de refaire à chaque fois ces gestes préhistoriques. Un assemblage du
bois le plus fin, extrêmement bien aéré, au dessus d’une amorce de papier, d’écorce
de boulot ou d’au allume-feu (oh la triche !). Bien nourrir ces embryions
de feu, ajouter lentement des plus gros morceaux pour les sécher et les
chauffer progressivement. Quand un feu suffisamment puissant brûle, ajouter du
bois plein la gueule du fourneau et espérer que le feu se propage en fournaise.
J’écoute l’intense bruit de l’air aspirer goulument par le
brasier, chauffé vers les 800°C et éjecté à toute vitesse par le conduit de
cheminée. Encore quelques minutes et je peux appeler amis ou parents à partager
ce sauna si cérémonieusement préparé. Je m’écrase sur le bois des bancs dans la
douce brulure du sauna à écouter la conversation sur fond de ronflement de
fourneau et une douce satisfaction se répand en moi, le plaisir d’avoir préparé ce
moment de partage de mes propres mains.
27.04.2013
Sauna de l'île Gåsgrund dans l'archipel d'Espoo, Finlande.
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